Parce que ça fait maintenant quelques mois que ça dure. Le temps passe et les angoisses changent. Elles s'amenuisent parfois, puis, elles reviennent du coup sec et m'anéantissent pendant quelques jours.
Certes, j'ai fait du progrès depuis cet été. Beaucoup de progrès même. Bien entendu, n'importe quelle personne censée habitant la planète Terre dirait que ça ne pouvait pas continuer comme ça: les larmes, l'incapacité d'avaler quoi que ce soit, les nausées qui faisaient se retourner mon estomac quand on me forçait à manger et la peur qui me paralysait complètement pendant des jours... Là, c'était l'angoisse avec un grand A. La peur de vivre, la peur de tout. Un intense goût de mort qui m'accompagnait partout où j'allais, quoi que je fasse.
Aujourd'hui, il y a encore certaines peurs qui persistent. Mais aujourd'hui, ça me paralyse quelques jours et puis ça finit par s'en aller. Ce qu'il y a de moins bien, c'est que ça finit toujours par revenir... Comme ce week-end. Alors il faut que je me change les idées. J'ai recommencé à faire de longues promenades (un réel progrès par rapport à mon inertie de cet été) et je marche parfois sans savoir où aller, juste parce qu'il faut que je réfléchisse ailleurs qu'en pleurant la tête sur mon oreiller.
Donc, chez mes parents ce week-end, la peur de perdre mon amie V. m'a reprise. Et quand je parle de peur, je parle de quelque chose de très viscéral, qui vous prend au coeur et au ventre en farfouillant dans votre estomac et compressant votre poitrine. Ça vous coupe le souffle, ça vous donne la nausée et après le mal prend toute la place. Alors j'ai marché le long de la rivière. J'ai marché jusqu'à ce que la rue devienne un boisé et je suis descendue sur les berges. J'ai regardé le courant qui agitait presque imperceptiblement la surface de l'eau. Sur cette rivière, le courant agit souvent en traître. Il est là, sans trop y paraître. Mais si vous osez tenter la traversée jusqu'à l'autre côté de la rive (à peine 10 ou 15 mètres), vous pouvez facilement être emporté jusqu'à l'embouchure du fleuve sans jamais réussir à vous accrocher à quoi que ce soit. J'ai voulu savoir si l'eau était froide. J'ai retiré ma mitaine et j'ai mis ma main dans la rivière: un minute plus tard je ne sentais plus mes doigts. Étrangement, ça m'a enlevé l'envie de sauter à l'eau.
Trop frileuse pour en finir, j'imagine.
Alors je suis repartie par où j'étais venue, avec cette peur dans mon ventre qui déformait ma réalité, me faisait pleurer en marchant.
La peur était toujours là ce matin, elle m'a même empêchée de dormir cette nuit. Puis, la journée a fait son chemin et j'ai réussi à retrouver une certaine quiétude. mais tout ça est encore bien précaire. J'attends la contre-attaque de mon mal. Mais je l'attends de pied ferme.